Une quatrième journée de TIG qui commençait comme toujours par un passage aux vestiaires. Jusque là, j'avais toujours réussi à arriver un peu avant les autres pour pouvoir me changer tranquillement. Oui, j'avoue, être un peu pudique. Mais je ne pouvais pas me changer devant des inconnus, encore moins devant des garçons. Je ne pouvais pas et pourtant, aujourd'hui, j'avais raté mon coup à cause d'un petit problème de réveil. Arrivée dans le vestiaire ils étaient déjà tous là, à se changer en se racontant leur soirée. Me faufilant le plus discrètement possible j'arrivai face à mon casier dans lequel se trouvait cette fabuleuse combinaison orange qu'on nous "offrait" à l'entrée. Et cette combinaison orange, d'une manière ou d'une autre, il allait bien falloir que je l'enfile. « Tu sais, elle va pas se mettre toute seule. » me lança une fille voyant que je fixai le vêtement sans bouger. « Laisse lui le temps, tu vois bien que madame est pudique. » enchaîna un garçon sur un ton d'ironie. Je grimaça lançant un coup d’œil dans sa direction. C'est à ce moment là que je vis, qu'à eux deux il avait réussi à attirer l'attention de tout le monde sur moi. Non, je ne pouvais vraiment pas me déshabiller ici encore moins avec tout tout ses gens qui me fixaient à n'attendre qu'une seule chose. Attrapant le ceintre qui tenait le vêtement je partis en direction des toilettes. Là-bas, au moins, je serais tranquille et peu importe ce que les autres pouvaient penser.

En rang d'oignons dans la salle commune, l'éduc-spé avait tenu à nous parler avant que l'on parte à la chasse aux détritus. « Écoutez moi bien, aujourd'hui nous allons recevoir la visite d'un reporter pour le Daily Weeks qui viendrait vérifier à quel point on s'occupe bien de vous ici... » « C'est pas le rôle des assistantes sociales, normalement ? » Je tournai le regard vers la fille qui venait de prendre la parole. Elle mâchait bruyamment un chewing-gum tout en soutenant le regard de notre éduc-spé. Elle avait le visage tartinée de maquillage à tel point que ça en faisait presque peur : le clichée de la fêtarde, rebelle en personne. « Je veux juste être sûre que vous ne fassiez pas les cons, aujourd'hui. Le premier qui s'y essaye aurait à faire à moi, c'est bien compris ? » Je fronçai les sourcils. Enfaite, les éduc-spé étaient bien loin de ses bonnes sœurs qu'on voyaient dans les feuilletons américains, qui nous soutenez et à qui on pouvait parler de nos problèmes. Pas lui en tout cas, à croire qu'il se foutait totalement de nous remettre dans le droit chemin. On aurait put même se faire tuer que ça lui aurait fait ni chaud ni froid. Non, lui il était juste là pour recevoir sa paye et rentrer chez lui se plaindre de sa journée. « En attendant, prenez moi ses pinces et allez ramasser les déchets dans la cours. » Dans un soupir général chacun partie à la recherche de cette fameuse pince, et moi la dernière, direction la cours. On aurait put croire que tout ses déchets c'était de nous qu'ils venaient mais, en dehors de quelques mégots de cigarettes que certains laissaient trainer par terre, je voyais plutôt ses déchets comme des signes de haines de la part du "monde extérieur" J'avais même remarqué sur le mur du centre un nouveau graffiti, super, demain on aurait le droit aux seaux et aux éponges. Encore 3 semaines à frotter les murs et à nettoyer le sol. 3 semaines dans cette horrible combinaison orange... En attendant, j'étais là et je ne pouvais pas couper aux TIG auxquelles j'avais eut le droit, alors, à la suite des autres, je commençai à pincer les déchets qui se trouvaient au sol et la suite on la connait...

J'étais tellement occupé à ramasser les déchets que je n'avais même pas remarqué l'arrivée du journaliste. Mais quand j'ai apprit qu'il voulait nous "interviewer" j'étais bien contente de savoir qu'il était là. Ça nous faisait toujours du temps dans la cours... On avait tous étaient regroupés dans la salle commune, et chacun notre tour, le journaliste nous interrogeais. Moi, j'étais la dernière à devoir passer. Assise sur ma chaise je me préparais mentalement aux questions qu'il aurait put me poser. Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir me demander ? Pourquoi j'étais là ? Facile je m'étais battu. Pourquoi j'avais déclenché cette bagarre ? Ah bah, ça, c'est une bonne question, enfaite c'est mon double maléfique qui l'a déclenché, moi je me contente de réparer les pots cassés parce que, ramasser les déchets, ça n'est pas au goût de Roxanne... Non, il faudrait que j'invente un truc, mais quoi ? Pas le temps de réfléchir que le reporter me fit signe de venir. En guise de salue il me tandis la main en souriant. « Ezra, reporter pour le Daily Weeks. » Je m'emparai de sa main en essayant de lui rendre son sourire même si, intérieurement, je craignais son interrogatoire. « Alexia »

« Que fais-tu comme études Alexia ? » « Heu... » Il faut dire que, là, j'étais prise de cours. Qu'est-ce que je faisais comme études ? C'est bien la dernière question que je pensais voir sortir de sa bouche. Surtout que les gens ici n'était pas souvent le genre à continuer leurs études après 16 ans. Est-ce qu'il avait posé cette question aux autres ? Peut-être mais, en tout cas, il n'y avait sûrement pas eu beaucoup de réponses positives. Enfin... les gens ici n'avaient pas des têtes à faire des études. Peut-être que je me trompais, même si, sérieusement, j'en doutais. Enfaite, je ne savais pas grand chose sur mes "camarade de TIG" même pas pourquoi ils étaient là. Entre eux ils semblaient plutôt bien s'amuser malgré qu'on soit en TIG. Mais moi non, j'étais un peu exclu de tout ça. Je n'avais pas un caractère qui pouvait coller avec le leur, contrairement à Roxanne. Oh, j'étais sûre qu'en faisant une croix sur les travaux forcés et le tri des ordures, elle se serait plût ici. « Je fais... des études de biologie. » finis-je par lui répondre. « Je voudrais être chirurgienne. » Je baissa légèrement les yeux vers ses notes avant de poser une de ses questions à laquelle ma curiosité naturelle avait besoin de joindre une réponse. « Les autres ils ont répondu quoi à cette question ? » Après tout si je m'étais trompé et que n'importe qui parmi eux faisait des études ça aurait était un bon moyen d'entamer la discussion. "Ah oui, les profs... Oh, et puis les devoirs, quel galère" Mais d'après ce qu'il me dit ensuite la plupart des jeunes faisant des TIG ne suivait pas d'études. Il en conclua d'ailleurs que ma présence ici n'était pas normal, et, le pire, c'est qu'il avait raison. « Est-ce que c’est une injustice qui t’a mené là ? » Je restai un instant, la bouche ouverte sans qu'aucun son n'en sorte. « C'est pas... si simple. Enfaite... » Je baissai à nouveau les yeux verts sont calepins. Tout ce que tu dis es noté, Alexia. Noté et puis rapporté à un rédacteur en chef qui déciderait de publier dans un grand journal toute cette histoire avec, en prime, quelques détails sur une folle schizophrénique. « Enfaite... » Le truc c'est que j'avais vraiment envie de lui dire, je ne sais pas pourquoi mais il m'inspirait confiance. Il avait un peu un air de... gentil psy, qui écoutait sans jugé... Bien sûre ! Comme les éduc-spé qui devaient, normalement, représenter un modèle, une lumière à laquelle s'accrocher ou une de ses anneries qu'on voit à la télé ! Oui, mais non, il fallait que je me réveille. Je n'étais pas au pays de Candy et ça j'avais eût bien le temps de le remarquer depuis plus d'un mois. Comme ce garçon tout à l'heure, j'avais encore fait un effort en me disant que, cette fois-ci, je tomberais peut-être sur quelqu'un qui pourrait me comprendre. Mais, encore une fois, je m'étais trompé et je ne voyais pas pourquoi ce serait différent avec se journaliste. « Non, c'est rien, je me suis... juste battue. » J'ai eut du mal à sortir ses mots, une fois encore. Continuer de dire que JE m'étais battue alors que c'était sa faute à elle. Bravo, grâce à elle je serais affiché dans un journal comme une fille violente qui tape sur tout ce qui bouge et qui casse les nez des passants. Super, je crois que pour intégrer un bon hôpital, y a rien de mieux.

Chirurgienne. On était loin des coiffeuses, garagistes et call-girl qu’on pouvait trouver dans ce genre d’endroit. Non, définitivement pas. « Les autres ils ont répondu quoi à cette question ? » J’aurai voulu éviter ce genre de confrontation. Mais nous y voilà. Et les autres alors ? Le néant. Nada. Nothing. Ils font que dalle, comme près de 80% des jeunes qui font un jour des TIG sur une période longue. Je secouai doucement la tête, dépité. « La plupart d’entre eux est entrée en conflit avec l’éducation dès les années de collège, ils se sont émancipés de toute hiérarchie à la deuxième voire troisième année. Pour les cas les plus atteints, pas d’études, pas de diplôme. Certains ont cependant un diplôme technologique mais cela ne les intéresse pas plus que ça. Enfin il y a un ou deux cas isolés qui sont allés dans le secondaire, ont survécu puis ont mis la partie en pause. » Donc elle n’avait nullement sa place ici.
Je ne parvenais à penser à autre chose, comme si mon cerveau s’est bloqué sur cette idée et bouclait dès à présent sur l’anomalie pour mieux me rendre acharné. Son hésitation à ma question ne fit qu’empirer les choses. Je le savais. Un truc tournait pas rond. Je me redressai doucement, persuadé d’avoir mis le doigt sur l’origine du problème. Suspendu à ses lèvres j’attendais la réponse fatidique qu’elle transforma finalement en négation totale. Ma frustration éclata sans préavis. J’émis un bref grognement et secouai à nouveau la tête. « Tssssk. » Je ruminai. Si je détestais beaucoup de choses au monde, le mensonge était la pire, car je mettais trop souvent la main dessus et la majorité des gens me croyaient bien trop stupide pour en comprendre les mécanismes. C’est vrai ça, comme un reporter raté pourrait-il bien connaître quoique ce soit en psychologie. Cela faisait parti du fléau de mon quotidien et dans la plupart des gens je laissais les gens dans leur mensonge sans rien souligner, sans rien soulever pour faire durer l’illusion. Mais pas cette fois. C’était au-dessus de mes forces comme un terrien qui sent la trace de quelque rongeur et qui ne peut s’empêcher de gratter la terre jusqu’à l’apparition d’un cratère monstre pour trois fois rien.

« Tu racontes ton histoire à qui tu veux, tu la fais avaler à n’importe quel débutant si ça te plait, mais pas à moi. Je mens mieux que toi, alors je serai toi, je reprendrai un peu ma version de l’histoire. Tu viens de me le dire, c’est pas si simple que ça… » De toute façon, j’en écrirai pas un mot, mais ça je ne lui disais pas car qui d’autre qu’un grand malade pouvait pousser une gamine d’une vingtaine d’année à raconter une histoire loufoque alors même qu’elle ne lui servirait nullement dans son article ? Même si j’avais voulu l’exploiter, qu’aurais-je pu dire ? Que la plupart des jeunes faisant des travaux d’intérêt généraux sont conformes à l’idée qu’on s’en fait, mis à part cette fille, qui désire devenir chirurgienne, qui prétend s’être battue enfin pas vraiment, vous voyez bien cher lecteur, rien n’est jamais clair dans la vie. Non, impossible. Inexploitable. Je ne pouvais pas pour de multiples raisons mais aussi pas respect, car je n’aurai pas voulu que mes frasques soient écrites dans un torchon à l’époque où je désirais devenir psychiatre.

« Tu sais Alexia, le problème des gens qui mentent c’est que s’ils sont chevronnés en la matière, ils reconnaissent vite les autres pratiquants. Tu ne t’es pas battu. Pas toi. Une partie de toi n’est même capable de me cracher des insultes à la figure, pas besoin d’un diplôme pour sentir ça… Ca doit aussi être pour ça que t’es à l’écart du groupe. Car toi, t’as un respect qu’eux ont perdu et méprisent dorénavant… »

Il parut contrarié de ma réponse. Il voyait que je mentais, j'en été certaine. En même temps seul quelqu'un qui s'en fichait aurait put ne pas le remarquer. Il n'y avait que dans les films américains qu'on pouvait commencer une phrase, la ravaler et s'en sortir sans plus de questions. D'ailleurs mes soupçons furent vite confirmés. Envolé le gentil psy... « Tu racontes ton histoire à qui tu veux, tu la fais avaler à n’importe quel débutant si ça te plait, mais pas à moi. Je mens mieux que toi, alors je serai toi, je reprendrai un peu ma version de l’histoire. Tu viens de me le dire, c’est pas si simple que ça… » Pas étonnant qu'il mente mieux que moi. N'importe qui aurait fait mieux, un gamin aurait fait mieux, un singe avec des timbales auraient fait mieux... J'étais certaine que, même Roxanne, aurait fait mieux. Bien sûre, vu qu'elle était mon total opposée. C'est ça que je détestais par dessus tout. Bien sûre, elle avait des tas de défauts, elle était violente, agressive, sûrement un peu peste et hautaine, mais elle avait aussi les qualités que je n'avais pas. Bon, pas sûre que savoir mentir soit vraiment une qualité mais dans certaines situations comme celle-là ça aurait put m'aider... Le truc que ce journaliste ne comprenait pas avec mon "mensonge" c'est que je ne faisais pas vraiment le choix de mentir. Bien sûre j'aurais put dire la vérité et qu'on me regarde à nouveau comme une malade mentale, mais, sincèrement, tant que je le pouvais, je préférais encore mentir. « Vous ne savez pas ce que c'est de dire la vérité et d'être prise pour une folle bonne à cloitrer dans une cellule. Peut-être que je suis folle, après tout qu'est-ce que j'en sais ? Mais une grande partie de moi me crie que tout ce que je vis est réel. Sauf que les autres gens ne ressentent pas ce, moi, que je ressens. J'ai le choix entre dire la vérité, subir les regards des autres sur moi, leurs messes basses... ou bien je peux mentir et m'en tirer comme je peux avec trois semaines de TIG de temps en temps. Et je me dis que c'est toujours mieux que de passer sa vie en hôpital psychiatrique... » Ça aurait été beaucoup plus simple de dire la vérité d'un coup d'un seul : "on est deux dans ma tête" Sauf, que dire ça comme ça, ça me paraissait comme admettre, en quelques sortes, que j'étais folle. Après tout, c'est ce genre de phrase que disent les fous, non ? « Non, ce n'est pas moi qui me suit battue... C'est Roxanne. » Je n'étais pas vraiment sûre qu'il est compris. Enfin, quoi qu'il en soit, je fixai le reporter attendant cette réaction qu'ils avaient tous, ou plutôt se regard : "horreur un monstre !" Mais il ne vint pas.